La place des femmes au Japon a été (et l'est toujours) incongrue à plus d'un titre. Alors que la société est très patriarcale, cela ne signifie pas non plus qu'elles sont reléguées aux tâches ménagères. On trouve même des écrits présentant de redoutables guerrières, comme Tomoe Gozen dont on apprend les exploits dans le "Heike Monogatari" pendant la guerre de Genpei.
Ce conflit portait sur la nomination du premier shogun après que l'Empereur ait été militairement écarté par Minamoto no Yoritomo et ses troupes. Tomoe se battait justement pour cette famille et fût remarquée en particulier pour son exploit lors de la bataille d'Awazu en 1184 : elle mena à la victoire 300 samurais de Minamoto contre 2'000 des Taira. L'ouvrage Heike Monogatari raconte qu'elle était dotée «d’une force et d’une adresse rares à l’arc, que ce fût à cheval, que ce fût à pied, le sabre à la main, c’était une guerrière capable d’affronter démons ou dieux et qui seule valait mille hommes ».
Alors, y avait-il des équivalents aux amazones au Japon ? On peut se le demander à la lecture du "Azuma Kagami", une chronique du shogunat de Kamakura. Une femme capitaine du nom de Hangaku Gozen n'éprouvait pas plus de peur qu'un homme tout en ayant la beauté d'une fleur peut-on y lire. Membre du clan Taira, elle défendu le château Torisaka en 1201 contre des ennemis bien plus nombreux.
On peut également citer la femme d'Hideyoshi Toyotomi (l'un des trois unificateurs du Japon au 16ème siècle) : Nene Kōdai-in. Contrairement à Hangaku ou Tomoe, elle excellait dans les affaires d'état plutôt que dans les combats physiques. Elle était la plus proche confidente de son mari qui la consultait pour la conduite du pays. Elle se chargea même du transfert de marchandises entre la Corée et le Japon pendant que les troupes de son mari y étaient en campagne.
Il y a encore un autre domaine dans lequel les femmes excellaient fréquemment : les soins aux blessés et la fabrication de munitions (autant paradoxal ces deux domaines pouvant paraître l'un par rapport à l'autre). On a retrouvé le témoignage d'une femme répondant au nom de Oan pendant la bataille de Sekigahara, celle qui est connue comme celle qui décida de l'avenir pays. Cette battaille vis Hideyoshi Toyotomi et Tokugawa Ieyasu s'affronter pour savoir qui mènerait l'unification du Japon à son terme. Ce fût Tokugawa qui emporta finalement la victoire.
Plus récemment, il convient aussi de mentionner Takeko Nakano malheureusement morte très jeune lors de la guerre de Boshin (qui marqua le passage du pouvoir de retour à l'Empereur et le début de l'ère Meiji). Cette jeune femme formée au maniement du naginata (sorte de hallebarde) et membre du clan Aizu forma et mena à la guerre un bataillon de femmes combattantes pour "la défense des valeurs traditionnelles" que la restauration Meiji allait profondément modifier.
Fidèles au shogunat Tokugawa, elles menèrent une charge suicidaire contre les troupes de l'Empereur avec un tel acharnement que celles-ci en furent ébranlées avant de finalement parvenir à les maîtriser. La classe des samurais ayant été abolie peu après, cela fait de Takeko l'une des dernières samurais du Japon. Un monument en sa mémoire a d'ailleurs été érigé et chaque année, la ville d'Aizu célèbre sa mémoire.
Une question se pose donc : la participation des femmes aux affaires d'Etat et de guerre était-elle l'exception ou la norme ? S'il est établi que leur participation ne constituait pas un scandale, on ne peut pas pour autant en conclure que c'était l'ordre naturel des choses. Cela dit, la découverte d'un site funéraire du 15ème siècle permis de pratiquer des tests génétiques. Ceux-ci nous ont appris que parmi 105 combattants enterrés, 35 étaient des femmes. L'auteur de la découverte, Stephen Turnbull, affirme que des résultats similaires ont été obtenus sur deux autres sites de fouille.
D'ici à ce que la question soit clairement tranchée, on évitera donc de dire que les femmes ne savent pas se battre de peur du retour de bâton !
Sources :
Le Dit des Heike, présenté par René Sieffert
Wikipedia