Question : qui est le seul personnage ayant vécu au 3ème siècle a être encore connu des japonais de nos jours ? Réponse : la reine chaman Himiko (aussi connue sous le nom de Pimiko). Elle régna jusqu'en l'an 248 (fin de l'ère Yayoi) sur la région de Yamatai. Ironiquement, c'est surtout grâce à des écrits chinois et coréens que nous avons des information sur sa vie.
Les chinois appellaient la région "pays de Wa" et les avaient placé dans la catégorie "barbares de l'Est"... chose amusante car les japonais prirent plus tard l'habitude de qualifier les autres peuples (en particulier européens) de "barbares du Sud". En tous les cas, les écris chinois racontent que dans la fin du 2ème siècle, Il n'y'avait plus de chef dans la région et le chaos regnait partout.
C'est à ce moment là qu'une chamane célibataire fût choisie pour ramener l'ordre. On dit qu'elle possédait des pouvoirs magiques et qu'elle pratiquait la sorcellerie. Le Peuple ne la choisit pas seulement en tant que Reine, mais aussi en tant que chef spirituel.
On l'installa donc dans un palais séparée du reste du monde par une armée de soldats et de servantes. Son propre frère se chargeait de faire l'interface entre elle et le peuple. Il était le seul homme à pouvoir la voir. Et ça fonctionna plutôt bien pendant 60 ans ! Elle fédéra une trentaine de communautés autrefois indépendantes et envoya même des délégations en Chine (plus exactement une partie de la future Chine : le Royaume de Wei) avec qui elle installa des relations diplomatiques amicales.
La Corée fût moins réceptive est exigea que Wa se plient à leurs exigences. Leur roi Kunu refusait de reconnaitre Himiko mais celle-ci demanda l'aide de son nouvel alié. Le Royaume de Wei intervint pour négocier la paix et le roi Kunu finit par accepter de ne pas envoyer de troupes à Yamatai.
Lorsqu'elle décéda malheureusement en 248, il y eut évidemment une lutte pour le pouvoir et des hommes tentèrent de se placer sur le trône mais le peuple refusa de leur obéir. Ce n'est que lorsqu'une parente d'Himiko (sa nièce ?) Iyo ou Toyo monta sur le trône que la situation se calma.
Les historiens japonais ont mit longtemps à reconnaitre l'existence d'Himiko, peut-être en raison de leur forte tradition patriarcale ? Ce n'est qu'au 17ème siècle qu'ils commencent à en parler et à se documenter sur elle. Deux hommes se sont violemment (mais seulement verbalement) affrontés pour savoir si Yamatai avait vraiment été le coeur et le départ du Japon comme le disaient les écris chinois et coréens ou si c'était un mythe. Arai Hakuseki était d'avis qu'Himiko avait bel et bien existé et cherchait activement sa tombe (dans lequel il est écrit que 100 servantes l'ont suivie).
Motoori Norinaga pour sa part refusait cette théorie. C'est d'ailleurs sont point de vue qui resta dominant jusqu'en .... 1955 ! Il faut se rendre compte que dans un Japon où l'Empereur était le descendant divin d'Amaterasu, l'existence d'une chamane reine ne passa pas très bien ....
Par contre, après la grande guerre, les archéologues se mobilisèrent pour trouver la tombe avec une grande assiduité avec des résultats assez variables.... De nombreuses régions du Japon ont affirmé que la reine Himiko vivaient dans *leur* région. La dernière théorie en date place le tombeau dans la région de Nara.
Après toutes ces discussions et récupérations plus ou moins heureuses, Himiko est devenu un phénomène allant du "girl-power" aux messages de prévention divers. Cela est notamment aussi dû au fait que Tezuka l'a utilisé comme personnage principal dans son manga "Phoenix - Le pouvoir mène à la corruption".
Ce faisant, les japonais se sont souvenu qu'il y a eut une femme qui avait un réel pouvoir politique (comme une Impératrice), religieux (comme une miko chez les shintoistes) et économique. Ce n'était certes pas la seule mais c'était la première !
A noter que pour certains historiens, Himiko ne serait autre qu'Amaterasu venu faire un séjour sur terre ! Pour justifier cette folle théorie, ils se basent sur le fait que le nom Himiko signifie littéralement "l'enfant soleil". Amaterasu étant la déesse du soleil, il y a peut-être un lien ....
Sources :
History of the Kingdom of Wei (Wei zhi) ca. 297 C.E. Translated by Tsunoda Ryusaku (Sources of Japanese Tradition: From Earliest Times to 1600; 2001)
Gendered Interpretations of Female Rule: The Case of Himiko, Ruler of Yamatai by Akiko Yoshie, Hitomi Tonomura, and Azumi Ann Takata (U.S.-Japan Women's Journal; 2013)
Japan Emerging: Premodern History to 1850 by Karl Friday (2012)
In Pursuit of Himiko: Postwar Archaeology and the Location of Yamatai by Walter Edwards (Monumenta Nipponica; Spring 1996)
Rebranding Himiko, the Shaman Queen of Ancient History by Laura Miller (Mechademia; 2014)
Gendered Interpretations of Female Rule: The Case of Himiko, Ruler of Yamatai by Akiko Yoshie, Hitomi Tonomura, and Azumi Ann Takata (U.S.-Japan Women's Journal; 2013)
Japan Emerging: Premodern History to 1850 by Karl Friday (2012)
In Pursuit of Himiko: Postwar Archaeology and the Location of Yamatai by Walter Edwards (Monumenta Nipponica; Spring 1996)
Rebranding Himiko, the Shaman Queen of Ancient History by Laura Miller (Mechademia; 2014)
Wikipedia